« L'expression la plus simple du nationalisme est la défense de la Terre et du Sang.
Quel homme digne de ce nom ne défendrait pas sa famille ni son habitat ?
Alors le nationalisme étend cette vision de la famille à son peuple et celui de son habitat à sa nation ! »
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jeudi 5 mars 2015

Julius Evola - Reformez l'unité entre vous et l'ordre cosmique


Quand l’homme cessera d’être un spectre pour redevenir un « être-qui-est » et ressuscitera le contact et la sympathie avec les forces profondes de la nature et des êtres, la magie ne sera plus un mythe, comme le voudrait la superstition de ceux qui, aujourd’hui, ne sachant rien d’elle, en parlent comme d’une superstition dépassée par leur science ; et l’on connaîtra alors cette puissance qui est justice, qui est sanction de dignité, attribut naturel d’une vie intégrée à laquelle elle appartient comme quelque chose de vivant, d’individuel, d’inaliénable.

Julius Evola
Impérialisme païen

vendredi 14 mars 2014

Julius Evola - Dissolution de l’individu

Le vrai point de départ doit se situer, au contraire, dans la distinction entre personne et individu. Au sens étroit, la notion d’individu est celle d’une unité abstraite, informe, numérique. Comme tel, l’individu n’a pas de qualités propres, ni rien, par conséquent, qui le différencie vraiment.

Envisagés en tant que simples individus, on peut dire que tous les hommes (et femmes) sont égaux, de sorte que l’on peut leur attribuer des droits et des devoirs pareillement égaux, et une « dignité » présumée égale en tant qu’ « êtres humains » (la notion d’ « être humain» n’est qu’une transcription « dignifiée » de celle d’individu). Sur le plan social, ceci définit le niveau existentiel tel que le fixent le « droit naturel », le libéralisme, l’individualisme et la démocratie absolue. L’un des principaux aspects, et l’un des plus évidents, de la décadence moderne est précisément l’avènement de l’individualisme, conséquence de l’effondrement et de la destruction des précédentes structures organiques et hiérarchiques traditionnelles remplacées, en tant qu’élément de base, par la multiplication atomique des individus dans le monde de la quantité, autant dire par la masse.

Dans la mesure où la « défense de la personnalité » se fonde sur l’individualisme, elle paraît insignifiante et absurde. Il est logique de prendre position contre le monde des masses et la quantité, et ne pas se rendre compte que c’est précisént l’individualisme qui y a mené, au cours d’un de ces processus de « libération » de l’homme dont nous avons parlé, et qui se sont historiquement terminés par une volte-face dans la direction opposée. A notre époque, ce processus a désormais des conséquences irréversibles.

Si l’on considère le milieu, non pas social, mais proprement culturel, les choses ne sont différentes qu’en apparence. Ce milieu est resté, en quelque sorte, isolé, détaché de toutes les grandes forces actuellement en mouvement, et c’est seulement pour cela que l’équivoque subsiste. S’il ne s’agit plus, ici, d’individualisme atomique, l’idée de la personnalité reste quand même liée à un subjectivisme fondé sur l’individu, où la pauvreté, ou, tout simplement, l’absence de toute base spirituelle, est masquée pat le talent littéraire et artistique, par un intellectualisme et une originalité sans racines et par une force créatrice dépourvue de toute signification profonde.

Il y a eu, en effet, en Occident, une collusion entre individualisme, subjectivisme et « personnalité » qui remonte à la Renaissance et s’est développée précisément au nom de cette « découverte de l’homme » que l’historiographie antitraditionnelle a exaltée, en passant sous silence la contrepartie dont nous avons parlé, c’est-à-dire le détachement plus ou moins conscient et complet à l’égard de la transcendance, ou en considérant tout simplement cette contrepartie comme un bien. Toute la splendeur et la puissance de la « créativité » de cette époque ne doivent pas faire oublier que telle est la signification de la tendance de base. Schuon a bien mis en lumière la véritable situation dans le domaine des arts : « Humainement parlant, certains artistes de la Renaissance sont grands, mais d’une grandeur qui devient petitesse devant la grandeur du sacré. Dans le sacré, le génie est comme caché; ce qui domine, c’est une intelligence impersonnelle, vaste, mystérieuse. L’œuvre d’art sacré a un parfum d’infinité, une empreinte d’absolu. Le talent individuel y est discipliné; il se confond avec la fonction créatrice de la tradition entière; celle-ci ne saurait être remplacée, et encore beaucoup moins surpassée, par les ressources de l’humain. » On peut dire la même chose de la façon dont la « personnalité » s’est affirmée sur d’autres plans à cette époque : depuis le type du Prince de Machiavel et ses incarnations historiques plus ou moins parfaites, jusqu’à celui des condottieri et des meneurs de peuple, et, en général, de toutes ces figures qui ont gagné la sympathie de Nietzsche parce qu’elles se caractérisaient par une accumulation prodigieuse, mais informe, de puissance.

Plus tard, cette façon d’accentuer le moi humain et individuel, base de l’ « humanisme », ne devait se manifester que dans des sous-produits représentés par le « culte du moi » du XVIII ème siècle bourgeois, associé à un certain culte esthétisant des « héros », des « génies » et des « aristocrates de l’esprit ».

Mais c’est à un degré plus bas que se situent bon nombre des actuels « défenseurs de la personnalité » : chez eux, tout ce qui est vanité du moi, exhibitionnisme, culte de leur propre « intériorité », manie de l’originalité, jactance de brillants hommes de lettres et d’essayistes nourrissant souvent des ambitions mondaines, tout cela joue un rôle important. Même si l’on n’envisage que le seul domaine de l’art, le « personnalisme » est presque toujours lié à une pauvreté intérieure. Bien que se plaçant d’un point de vue opposé au nôtre, Lukacs a fait cette juste remarque : « L’habitude actuelle de surévaluer et d’exagérer l’importance de la subjectivité créatrice correspond au contraire à la faiblesse et à la pauvreté de l’individualité chez les écrivains; plus ceux-ci sont obligés de recourir, pour se distinguer, à des « particularités» purement spontanées ou péniblement cultivées en serre, plus le bas niveau de la conception du monde fait craindre que toute tentative de dépasser l’immédiateté subjective ne nivelle complètement la « personnalité », et plus on donne de poids à une pure subjectivité immédiate que, précisément, l’on identifie quelquefois au talent littéraire ».

Le caractère d’ « objectivité normative » qui était propre à l’art véritable traditionnel disparaît complètement. La presque totalité de la production intellectuelle, dans le domaine culturel, appartient à ce que Schuon a justement qualifié de « stupidité intelligente ». Nous ne nous attarderons pas, pour l’instant, sur ce point – nous y reviendrons un peu plus loin – et ne signalerons qu’en passant, dans un autre domaine, qu’on peut voir dans les « idoles » actuelles la vision populaire up to date, poussée jusqu’au ridicule, du « culte de la personnalité ». Pour l’instant, ce qu’il nous intéresse plutôt de noter, c’est que de nombreux processus objectifs du monde contemporain tendent, sans aucun doute, à éliminer et à faire disparaître ces formes de la « personnalité » individualiste. Etant donné la situation générale, nous ne considérons pas qu’il s’agisse là d’un phénomène purement négatif pour le type d’homme que nous avons exclusivement en vue; au contraire : nous dirons même que plus se développera, pour des raisons intrinsèques ou extrinsèques, la dissolution des valeurs de la personnalité, et mieux cela vaudra.

Telle est la prémisse. Pour continuer notre analyse, il faut sortir de l’équivoque et clarifier les idées; chose qui ne deviendra possible que si l’on remonte au sens légitime et originel du terme « persona ». On sait qu’à l’origine « persona » voulait dire « masque » : les masques que portaient les acteurs anciens pour jouer un certain rôle, pour incarner un personnage déterminé. Pour cette raison, le masque avait quelque chose de typique, de non individuel, surtout quand il s’agissait de masques divins (ceci apparaît encore plus nettement dans nombre de rites archaïques). C’est précisément ici que nous pouvons reprendre et appliquer les idées déjà exposées au chapitre précédent sur la structure duelle de l’être: la « personne» est ce que l’homme représente concrètement et sensiblement dans le monde, dans la situation qu’il assume, mais toujours comme une forme d’expression el de manifestation d’un principe supérieur qui doit être reconnu comme le vrai centre de l’ être et sur lequel se place ou devrait se placer l’accent du Soi.

Un « masque » est quelque chose de bien précis, délimité et structuré. L’homme, en tant que « personne » (= masque), se différencie déjà par là du simple individu, a une forme, est lui-même et appartient à lui-même. C’est pourquoi les valeurs de la « personne » ont fait, de toutes les civilisations de caractère traditionnel, des mondes de la qualité, de la différenciation, des types. Et la conséquence naturelle fut un système de relations organiques, différenciées et hiérarchiques, ce qui n’est bien évidemment pas le cas, non seulement dans les régimes de masses, mais aussi dans les régimes d’individualisme, de « valeurs de la personnalité » et de démocratie, dignifiée ou non.

Tout comme l’individu, la personnalité elle-même est, en un sens, fermée au monde extérieur, et toutes les revendications existentialistes dont nous avons déjà reconnu la légitimité, à notre époque, sont valables pour elle. Mais, à la différence de l’individu, la personne n’est pas fermée vers le haut. L’être personnel n’est pas lui-même, mais a lui-même (rapport entre l’acteur et son rôle) ; il est présence à ce qu’il est, non pas coalescence avec ce qu’il est.

Nous connaissons déjà cette structuration essentielle. De plus, une sorte d’antinomie doit être mise en lumière: pour être vraiment telle, il faut que la personne se réfère à quelque chose qui est plus que personnel. Si cette référence fait défaut, la personne se transforme en « individu » et il en résulte l’individualisme et le subjectivisme. Alors, au cours d’une première phase, l’impression pourra naître que les valeurs de la personnalité se conservent et même se renforcent parce que le centre s’est, pour ainsi dire, transporté davantage vers l’extérieur, s’est plus extériorisé – et c’est exactement le cas de l’humanisme culturel et créateur dont nous avons parlé plus haut et, en général, de ce que l’on appelle les « grandes individualités ». Il est clair, toutefois, que la « défense de la pesonnalité » est chose précaire à ce niveau, car on est déjà passé dans le domaine du contingent; plus rien n’agit qui ait des racines profondes et la force de l’originel. Désormais, ce qui est personnel perd non seulement sa valeur symbolique, sa valeur de signe de quelque chose qui le transcende et le porte, mais aussi, peu à peu, son caractère typique, c’est-à-dire positivement ,anti-individualiste, qui n’était dû qu’à cette référence supérieure.

Là où subsiste encore une forme indépendante, celle-ci s’affirme dans un régime de désordre, d’arbitraire, de pure subjectivité.

Pour mieux nous orienter, il convient de préciser le sens que revêt la « typicité » dans un milieu traditionnel. Elle est le point de rencontre entre l’individuel (la personne) et le supra-individuel, la limite entre les deux correspondant à une forme parfaite. La « typicité » désindividualise, en ce sens que la personne incarne alors essentiellement une idée, une loi, une fonction. On ne peut plus parler dans ce cas d’individu au sens moderne du mot; les traits accidentels de l’individu s’effacent devant une structure significative qui pourra reparaître, presque identique, partout où la même perfection sera atteinte. L’individu se fait « typique », ce qui revient à dire suprapersonnel. Conformément à la formule : « Le Nom absolu n’est plus un nom », il est anonyme. Et la traditionnalité au sens le plus haut est une sorte de consécration de cet anonymat, ou un acheminement vers lui dans un champ d’action et un cadre déterminés. On pourrait aussi parler d’un processus d’ « universalisation » et d’ « éternisation » de la personne; mais ces expressions ont été banalisées par un usage plus ou moins réthorique et abstrait, qui a recouvert la signification concrète et existentielle qu’elles pouvaient avoir. Il sera donc préférable de définir la situation dont il s’agit comme celle d’un être en qui le principe supra-individuel – le Soi, la transcendance – reste conscient, et donne à son « rôle » (à la personne) la perfection objective propre à une fonction et à une signification données.

Il s’ensuit qu’il existe deux façons de concevoir l’impersonnalité, qui sont à la fois analogues et opposées : l’une se situe au-dessous, l’autre au-dessus du niveau de la personne; l’une aboutit à l’individu, sous l’aspect informe d’une unité numérique et indifférente qui, en se multipliant, produit la masse anonyme; l’autre est l’apogée typique d’un être souverain, c’est la personne absolue.

Cette deuxième possibilité est à la base de l’anonymat actif que l’on retrouve dans les civilisations traditionnelles, et correspond à une direction opposée à toute activité, création ou affirmation uniquement fondée sur le moi. Comme nous l’avons dit, ce qui est personnel devient impersonnel; conversion, paradoxale en apparence, qu’atteste le fait qu’il existe vraiment une grandeur de la personnalité là où l’œuvre est plus visible que l’auteur, l’objectif que le subjectif, là où, sur le plan humain, quelque chose transparaît de cette nudité, de cette pureté, qui est le propre des grandes forces de la nature: dans l’histoire, dans l’art, dans la politique, dans l’ascèse, dans tous les domaines de l’existence. On a pu parler d’une « civilisation de héros anonymes »; mais l’anonymat a existé aussi dans le domaine de la spéculation lorsqu’on tenait pour évident que ce que l’on pense selon la vérité ne peut être signé du nom d’un individu. Nous rappellerons aussi la coutume consistant à abandonner son nom, à en prendre un autre qui désigne, non plus l’individu, l’homme, mais la fonction ou la vocation supérieure, lorsque la personnalité a été appelée à une très haute tâche (royauté et pontificat, ordres monastiques, etc.).

Tout ceci trouve la plénitude de son sens dans un milieu traditionnel. Dans le monde moderne, à l’époque de la dissolution, on ne peut indiquer, dans ce domaine comme dans les autres, qu’une direction essentielle. Nous nous trouvons ici en présence de l’aspect particulier d’une situation qui comporte une alternative et une épreuve.

Julius Evola 
Extrait de "Chevaucher le tigre" (1961)

mercredi 5 mars 2014

Julius Evola - L’esprit légionnaire

Sur le plan de l’esprit, il existe quelque chose qui peut déjà servir de trace aux forces de résistance et de renouveau : c’est l’esprit légionnaire. C’est l’attitude de ceux qui surent choisir la voie la plus dure, de ceux qui surent combattre tout en étant conscients que la bataille était matériellement perdue, de ceux qui surent convalider les paroles de la vieille saga : « Fidélité est plus forte que feu », et à travers lesquels s’affirma l’idée traditionnelle qui veut que ce soit le sens de l’honneur ou de la honte – et non de petites mesures tirées de petites morales – qui crée une différence substantielle, existentielle, entre les êtres, comme entre une race et une autre race.

D’autre part, il y a la réalisation de ceux pour qui la fin apparut comme un moyen, et chez qui la reconnaissance du caractère illusoire de mythes multiples laissa intact ce qu’ils surent conquérir pour eux-mêmes, sur les frontières de la vie et de la mort, au-delà du monde et de la contingence. Ces formes de l’esprit peuvent être les fondements d’une nouvelle unité. L’essentiel est de les assumer, de les appliquer et de les étendre du temps de guerre au temps de paix, de cette paix surtout, qui n’est qu’un coup d’arrêt et un désordre mal contenu – afin que se dégagent une discrimination et un nouveau front. Cela doit se faire sous des aspects beaucoup plus essentiels qu’un « parti », lequel ne saurait être qu’un instrument contingent en vue de certaines luttes politiques ; et même sous des aspects beaucoup plus essentiels qu’un simple « mouvement », si par « mouvement » l’on entend seulement un phénomène quantitatif plus que qualitatif, fondé sur des facteurs émotionnels plus que sur l’adhésion sévère et franche à une idée.

Ce qu’il faut favoriser, c’est plutôt une révolution silencieuse, procédant en profondeur, afin que soient créées d’abord à l’intérieur et dans l’individu, les prémisses de l’ordre qui devra ensuite s’affirmer aussi à l’extérieur, supplantant en un éclair, au bon moment, les formes et les forces d’un monde de subversion. Le « style » qui doit être mis en relief, c’est celui de l’homme qui soutient certaines positions par fidélité à soi-même et à une idée, dans un recueillement profond, dans un dégoût de tout compromis, dans un engagement total qui doit se manifester non seulement dans la lutte politique, mais dans chaque expression de l’existence : dans les usines, les laboratoires, les universités, les rues, et jusque dans le domaine personnel des affections. On doit en arriver au point que le type humain dont nous parlons, et qui doit être la substance cellulaire de notre front, soit bien reconnaissable, impossible à confondre, de sorte qu’on puisse dire : « En voilà un qui agit comme un homme du mouvement ».

Cette consigne, qui fut celle des forces qui rêvèrent de donner à l’Europe un ordre nouveau, mais qui dans sa réalisation fut souvent entravée et faussée par de multiples facteurs, doit être reprise aujourd’hui. Et aujourd’hui, au fond, les conditions sont meilleures, parce qu’il n’y a pas d’équivoques et parce qu’il suffit de regarder autour de soi, de la rue au Parlement, pour que les vocations soient mises à l’épreuve et pour qu’on prenne bien nettement la mesure de ce que nous ne devons pas être.

Face à toute cette boue, dont le principe est : "Qui t’oblige à le faire ?", ou bien : "D’abord vient le ventre, la peau (la “peau” chère à Malaparte !), et puis la morale", ou encore : "Ce n’est pas une époque où l’on puisse s’offrir le luxe d’avoir du caractère", ou enfin : "J’ai une famille", qu’on sache clairement et fermement : « Nous, nous ne pouvons pas faire autrement, telle est notre voie, tel est notre être. » Ce qui peut et pourra être obtenu de positif, aujourd’hui ou demain, ne le sera pas par l’habileté d’agitateurs et de politiciens, mais par le prestige naturel et la reconnaissance qu’obtiendront des hommes de la génération d’hier ou, plus encore, de la nouvelle génération, des hommes qui seront capables de tout cela et qui, par là même, fourniront une garantie en faveur de leur idée.

Julius Evola

lundi 17 décembre 2012

Julius Evola - La métaphysique de la Guerre

Le principe général, auquel il serait possible d’en appeler pour justifier la guerre sur le plan de l’humain, c’est « l’héroïsme ». La guerre – dit-on – offre à l’homme l’occasion de réveiller le héros qui sommeille en lui. Elle casse la routine de la vie commode, et, à travers les épreuves les plus dures, favorise une connaissance transfigurante de la vie en fonction de la mort. L’instant où l’individu doit se comporter en héros, fut-il le dernier de sa vie terrestre, pèse, infiniment plus dans la balance que toute sa vie vécue monotonement dans l’agitation des villes. C’est ce qui compense, en termes spirituels, les aspects négatifs et destructifs de la guerre que le matérialisme pacifiste met, unilatéralement et tendancieusement, en évidence. La guerre, en posant et faisant réaliser la relativité de la vie humaine, en posant et faisant aussi réaliser le droit d’un « plus que la vie », a toujours une valeur anti-matérialiste et spirituelle.


Ces considérations ont un poids indiscutable et coupent court à tous les bavardages de l’humanitarisme, aux pleurnicheries sentimentales et aux protestations des paladins des « principes immortels » et de l’Internationale des héros de la plume. Cependant, il faut reconnaître que pour bien définir les conditions par quoi la guerre se présente réellement comme un phénomène spirituel, il faut procéder à un examen ultérieur, esquisser une sorte de « phénoménologie de l’expérience guerrière », en distinguer les différentes forme et les hiérarchiser ensuite pour donner tout son relief au point absolu qui servira de référence à l’expérience héroïque.

Pour cela, il faut rappeler une doctrine qui n’a pas la portée d’une construction philosophique particulière et personnelle, mais qui est à sa manière une donnée de fait positive et objective. Il s’agit de la doctrine de la quadripartition hiérarchique et de l’histoire actuelle comme descente involutive de l’un à l’autre des quatre grades hiérarchiques. La quadripartition, dans toutes les civilisations traditionnelles – ne l’oublions pas – donna naissance à quatre castes distinctes : serfs, bourgeois, aristocratie guerrière et détenteurs de l’autorité spirituelle. Ici, il ne faut pas entendre par caste – comme le font la plupart – une division artificielle et arbitraire, mais le « lieu » qui rassemblait les individus ayant une même nature, un type d’intérêt et de vocation identique, une qualification originelle identique.

Normalement, une « vérité » est une fonction déterminée définissent chaque caste, et non le contraire. Il ne s’agit donc pas de privilèges et de modes de vie érigés en monopole et basés sur une constitution sociale maintenue plus ou moins artificiellement. Le véritable principe d’où procédèrent ces institutions, sous formes historiques plus ou moins parfaites, est qu’il n’existe pas un mode unique et générique de vivre sa propre vie, mais un mode spirituel, c’est-à-dire de guerrier, de bourgeois, de serf et, quand les fonctions et les répartitions sociales correspondent vraiment à cette articulation, on se trouve – selon l’expression classique – devant une organisation « procédant de la vérité et de la justice ». Cette organisation devient « hiérarchique » quand elle implique une dépendance naturelle – et avec la dépendance, la participation – des modes inférieurs de vie à ceux qui sont supérieurs, étant considérée comme supérieure toute expression ou personnalisation d’un point de vue purement spirituel. Seulement dans ce cas, existent des rapports clairs et normaux de participation et de subordination, comme l’illustre l’analogie offerte par le corps humain: là où il n’y a pas de conditions saines et normales, quand d’aventure l’élément physique ( serfs ) ou la vie végétative ( bourgeoisie ) ou la volonté impulsive et non-contrôlée ( guerriers ) assume la direction ou la décision dans la vie de l’homme, mais quand l’esprit constitue le point central et ultime de référence pour les facultés restantes, auxquelles il n’est pas pour autant dénié une autonomie partielle, une vie propre et un droit afférent dans l’ensemble de l’unité.

Si l’on ne doit pas génériquement parler de hiérarchie, mais il s’agit de la « véritable » hiérarchie, où celui qui est en haut et qui dirige est réellement supérieur, il faut se référer à des systèmes de civilisation basée sur une élite spirituelle et où le mode de vivre du serf, du bourgeois et du guerrier finit par s’inspirer de ce principe pour la justification suprême des activités où il se manifeste matériellement. Par contre on se trouve dans un état anormal quand le centre se déplace et que le point de référence, n’est plus le principe spirituel, mais celui de la classe servile, ou bourgeoise, ou simplement guerrière. Dans chacun de ces cas, s’il y a également hiérarchie et participation, elle n’est plus naturelle. Elle devient déformante, subversive et finit par excéder les limites, se transformant en un système où la division de la vie, propre à un serf, oriente et compénètre tous les autres éléments de l’ensemble social. Sur le plan politique, ce processus involutif est particulièrement sensible dans l’histoire de l’Occident jusqu’à nos jours. Les Etats de type aristocratico-sacral ont été remplacés par des Etats monarchicoguerriers, largement sécularisés, eux-mêmes supplantés par des Etats reposant sur des oligarchies capitalistes ( caste des bourgeois ou des marchands ) et finalement par des tendances socialistes, collectivistes et prolétaires qui ont trouvé leur épanouissement dans le bolchevisme russe ( caste des serfs ). Ce processus est parallèle au passage d’un type de civilisation à un autre, d’une signification fondamentale de l’existence à une autre, si bien que dans chaque phase particulière de ces concepts, chaque principe, chaque institution prend un sens différent, conforme à la note prédominante.

C’est également valable pour la « guerre ». Et voici comment nous allons pouvoir aborder positivement la tâche que nous proposions au début de cet essai: spécifier les diverses significations que peuvent assumer le combat et la mort héroïques.

Ouvrages en français de Julius Evola
Ouvrages en anglais de Julius Evola