Dans l’une de mes classes, il y a un jeune garçon de 14 ans qui porte ses origines sénégalaises comme un étendard, un flambeau de révolte, une armure pour bouter loin de lui tout ce qui n’est pas marqué du sceau de l’étrangeté. Il n’est pas un cours où nous nous retrouvons en conflit, à propos d’un mot, d’une expression, d’une tournure de phrase ou du choix d’un élève. Tout pour lui est prétexte à ferrailler contre la norme, la règle, celui qui se trouve face à lui, forcément adversaire, indubitablement ennemi de peau !
Il est profondément, viscéralement raciste. Sa négritude (je compte bien trouver un extrait de Léopold Senghor pour réfléchir à cette appellation) est ce qui le détermine. Pas une minute de repos, pas un instant ou il ne baisse la garde. Écorché vif, il est sans cesse à surveiller le moindre propos, la plus petite intention de ceux qui se dressent face à lui.
Comment peut-il vivre son immersion dans une école qui non seulement n’est pas constituée uniquement de ses pairs mais encore qui lui impose des règles qu’il réfute à tout moment ? La langue est notre pierre d’achoppement. Il s’arqueboute contre l’idée d’user d’une langue distinguée, socialement normée. C’est son langage de quartier qui doit être la norme, ses expressions et son argot qui devraient s’imposer à nous. Il n’en démord pas ….
Il n’accepte de côtoyer que ses compagnons d’exclusion. Tout ce qui détermine une distinction devient une carte de visite acceptable à ses yeux. D’abord ses frères de couleurs, ceux-là ont droit immédiatement à son respect. Puis ses camarades du Maghreb, ses coreligionnaires du Coran, ses camarades du voyages. Toute étiquette, pourvu qu’elle sorte du cadre national traditionnel est pour lui une carte de visite qui ouvre son estime.
Mais gare aux autres, les blancs de peau, les natifs de l’hexagone issus de familles bien françaises, ce sont des ennemis jurés, des adversaires potentiels, des exploiteurs, des profiteurs, des méchants et forcément des racistes. Le monde est simple à lire et quand on lui fait remarquer qu’il porte en lui le défaut qu’il attribue aux autres, il s’indigne, il se pose en victime.
Source : Agoravox
Source : Agoravox
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