« L'expression la plus simple du nationalisme est la défense de la Terre et du Sang.
Quel homme digne de ce nom ne défendrait pas sa famille ni son habitat ?
Alors le nationalisme étend cette vision de la famille à son peuple et celui de son habitat à sa nation ! »

vendredi 23 octobre 2015

Jean-Marc Vivenza - Sur la Nuit éternelle...


La nuit n'est pas uniquement une simple forme d'alternance au jour dont elle serait le pendant sombre et mystérieux, la nuit est source, fondement et origine. De l'abîme en quoi elle a son séjour, elle tend, comme aspiration irréductible, vers l'insondable et le voilé. La nuit est le cœur de l'être en ce qu'il a d'obscur et d'énigmatique; voie par le vide que nos pas doivent cheminer. L'image de la source exprime à merveille la soif des origines qui nous brûle; la source de tout, c'est «l'Un» unissant, c'est le silence dont il faut écouter le murmure qui se répand à travers les multiples états de la nuit. Il faut citer ce texte suggestif : «La source ne se révèle comme la source qu'après que le cours du fleuve a été reconnu jusqu'à la mer. C'est pourquoi la marche vers la source est le retour vers elle dans la direction opposée à celle du cours habituel du fleuve, et ainsi cette marche doit d'abord éloigner de la source au lieu de conduire directement vers elle». Hôlderlin n'a-t-il pas écrit: «Mais voici que ce fleuve semble presque vouloir remonter à la source et il me semble venir de l'orient».

Sous le symbole de «l'orient», c'est l'esprit qui est à la recherche de sa propre source, source nocturne et invisible. Dans un passage de «Was ist Metaphysik», cette remontée aux sources est un «agir à rebours». Sans doute est-ce par une réflexivité totale sur son propre acte d'être que l'esprit cherche à expérimenter sa présence, «Mais à présent, c'est pour les Indes que les hommes sont embarqués». L'Inde, symbole du pays natal et de notre langue maternelle; «les Indes désignent le lieu où s'accomplit le tournant du voyage qui ramène désormais de l'Etranger au pays», insiste Heidegger. La lointaine source jusqu'où se frayer un chemin dans le pays de l'indicible, n'est-ce pas précisément la région du Sacré ? La nuit est le lieu d'une pensée silencieuse, d'une pensée du Silence, car la pensée tient sa vie de ce qu elle lutte avec Finformukble et, qu'en fin de compte, elle ne peut que se perdre à son sujet. Se taire ou bien, «le mot dictible reçoit sa détermination de l'indicible». Ce qui est inexprimable est ce qui échappe à nos prises... le divin ? Une chose est certaine, c'est que ce terme (divin), exprime à sa manière l'expérience de l'absolu qui polarise toute recherche, et désigne l'aire qui balaie la pensée originelle.

La nuit est l'espace qui ouvre sur le sacré, (le divin); elle est hors du temps, inanalysable; ce qui ne cesse d'être toujours car, en tant qu'initiale, elle demeure en soi intacte et sauve. L'originellement sauf donne, par son omniprésence à chaque réel, l'heure de son séjour, c'est-à-dire un séjour de ténèbres permanent et constitutif, objectif, brutal et massif. «Le Sacré est l'effrayant même», ambivalence de 1a nuit, frayeur et plénitude, lointaine et intime, souffrance et libération. «Le Sacré est l'intimité elle-même: il est le cœur... au-dessus des dieux et des hommes... plus ancien que l'étant... sa permanence est l'éternité de l'éternel. Le Sacré est l'intimité de toujours, il est ce cœur éternel».

Expérience du simple du même, l'intimité est le chemin du retour à l'origine lointaine où «la terre natale nous est rendue». En nous permettant d'écouter l'appel de l'Inaugural, 1a nuit est bien ainsi que l'affirmait Novalis: «le cœur puissant des révélations» . Depuis nos premières origines, nous sommes dans la nuit d'une provenance et d'un destin, notre nuit est un soleil, Sol Invictus. Nous sommes à tout moment sous le regard de l'être, voués à l'appel de l'abîme de la nuit, toutes les choses du monde ne sont ce qu'elles sont qu'en se détachant sur un fond obscur, elles en naissent et lui demeurent attachées. Nous savons que la terre ne s'ouvre que là où ses secrets sont protégés, là où une marge d'obscurité demeure inviolée. La Terre veut rester cachée, elle est ce qui dissimule essentiellement... le vertige de l'être. Le saut dans l'abîme n'exprime rien d'autre que le vertige de l'être; être, abîme et nuit échangent leurs déterminations afin de renforcer leur appartenance réciproque dans le même. Le «même», dit en un autre mode ce que laissait entendre la seconde accentuation du principe de raison: «Rien n'est sans raison». Tel qu'il est chanté par Hésiode et Holderlin, l'abîme de la nuit n'est pas la confusion trouble et l'indifférent pêle-mêle de ce qui s'effondre dans l'immonde; l'abîme que l'hymne hôlderlinien aux Titans nomme «Celui qui retient tout», est l'un des contraires extrêmes du Monde. Porté par la Terre maternelle, l'Abîme est «l'Ouvert» qui recueille l'ensemble de choses, en lui se laisse deviner le point immobile et silencieux autour duquel tout s'enlace.

L'abîme de la nuit est ce qui tient le Monde en balance et, comme «centre» (die Mitte), attire l'étant autour de lui pour libérer la ronde des anneaux de l'illusoire manifestation. La nuit dit le libre jeu de l'être, qui fonde le cercle des étants enroulés autour de lui. Tel est le centre calme du monde là où depuis toujours danse Shiva ! Natitija sur la cime des nuits. Semblable à l'enfant d'Héraclite qui pousse ses pions sur un damier, en son innocente et libre royauté, l'être dispense sa nuit abyssale, voilà pourquoi: «le sage entre dans l'être qui est partout et ne s'en distingue plus, comme l'eau dans l'eau, l'air dans l'air, le feu dans le feu, la nuit dans la nuit».

Jean-Marc Vivenza

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